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L'agrivoltaïsme : une réponse technique adaptée ?

L'agrivoltaïsme, combinaison entre culture nourricière et énergie solaire, permettra peut-être d’augmenter notre part d’énergies renouvelables dans le mix énergétique français. A la manière de l’ingénieur, analysons ce nouveau système technique prometteur et ses impacts sur la société.


Dans les années 1950, à la sortie de la Guerre, notre modèle de production agricole a drastiquement changé.

Pour nourrir une population mondiale plus nombreuse, les monocultures industrialisées sont devenues la norme. La demande croissante de nourriture et d’énergie a poussé la science à constamment améliorer les rendements. Or, les enjeux environnementaux actuels nous obligent à redéfinir notre rapport à l’énergie et à l’agriculture, pour apprendre à consommer de manière plus sobre. Des systèmes techniques répondant à ces problématiques d’impact sur la planète commencent à apparaître, notamment l’agrivoltaïsme.

Un système agrivoltaïque correspond à l’association de panneaux solaires mobiles et d’une culture sur le même champ, sans induire ni dégradation agricole (le rendement augmente pour certaines cultures comme les framboises et les légumineuses), ni diminution des revenus de cette production. Cela permet aussi de protéger les plantations en atténuant les impacts des aléas climatiques (gel, stress hydrique, chaleur, sécheresse ou excès de rayonnement). De plus, ces centrales agrivoltaïques produiraient pour la même surface 10 à 100 fois plus d’énergie que les cultures de biocarburants (cultures de blé, betteraves ou colza destinées à être brûlées pour produire de l’énergie). Par ailleurs, utiliser des surfaces cultivables pour produire de l’énergie semble éthiquement problématique quand on sait que la France importe 20 % de son alimentation de l’étranger. Remplacer ces surfaces (1 million d’hectares en France) par des centrales agrivoltaïques serait une solution pour notre souveraineté alimentaire et énergétique. On voit donc qu’il s’agit d’une intégration fonctionnelle, dans laquelle un même dispositif technique remplit deux fonctions : la production d’énergie, la production agricole. On peut même voir l'agrivoltaïsme comme une symbiose entre technique et végétal. En effet, les panneaux photovoltaïques peuvent être bifaces pour capter la lumière du soleil et celle émise par les cultures, tandis que l’ombre des panneaux permet aux plantes de mieux se développer et les protège. Les panneaux sont bénéfiques aux plantes et inversement : ils coopèrent. Ce modèle peut être comparé au fonctionnement de la permaculture (agriculture combinant plusieurs espèces cohabitant sur les mêmes parcelles où chacune favorise la croissance des autres). Les panneaux sont complémentaires des plantes, tout comme les courges, le maïs et les haricots l’étaient dans l’agriculture aztèque.

Ce système technique a beaucoup d’avantages, tant énergétiques qu’agricoles. Pourtant, en envisageant les répercussions de son utilisation, on peut voir de nouvelles contraintes apparaître que l’ingénieur devra prendre en compte lors de la conception.

Premièrement, il est nécessaire de considérer le nouveau rôle social et sociétal de l’agriculteur s’il se met à produire voire distribuer de l’énergie en plus de sa production agricole. Qui va gérer la maintenance de l’objet technique : l’agriculteur ou un électricien travaillant dans la ferme ? Il incombe à l’ingénieur d’adapter sa machine à celui qui l’utilisera. Dans ce cas, faudra-t-il former les agriculteurs ?

De plus, l’État financera-t-il ces installations ? Les agriculteurs seront-ils prêts à investir dans le photovoltaïque ? Voudront-ils commercialiser l’énergie produite dans leurs champs ? Si c’est le cas, est-ce plus intéressant de distribuer l’énergie à petite échelle (autoconsommation ou revente à l’échelle locale) pour éviter l’effet Joule (perte de 6 % de l’énergie lors de sa distribution, proportionnelle à la longueur des fils donc à l’échelle de distribution) ? Là encore, une législation devra être mise en place pour encadrer ces nouvelles pratiques. Il faudra donc concevoir l’objet en se posant des questions de réglementation, des questions juridiques et sociétales, voire politiques.

En outre, l’impact de ces nouvelles installations pourrait altérer ou modifier la biodiversité des champs agrivoltaïques. La relation entre l’homme et la nature sera alors modifiée. Le rôle de la campagne le sera tout autant (à la fois source de production agricole mais aussi d’énergie). Pour finir, le gain d’espace occasionné en agençant usine photovoltaïque sur exploitations agricoles ralentirait l’expansion des cultures, la déforestation et l’artificialisation des sols. Enfin, la question de l’acceptabilité se pose : les ruraux sont-ils prêts à voir leurs paysages recouverts de panneaux photovoltaïques ? Est-ce réellement à eux de s’acclimater aux changements ou n’est-il pas plus judicieux, avant la conception, de les associer aux projets, en co-conception ?

En analysant les enjeux plus larges que l’utilisation de l’agrivoltaïsme impliquerait, et malgré les questions encore sans réponse, il semblerait néanmoins que l'agrivoltaïsme constitue bien une réponse technique adaptée aux enjeux actuels !

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