T’est-t-il déjà arrivé de sauter un repas ou deux parce que tu te sentais gros ou grosse ? T’es-tu déjà réfugié dans la bouffe pour calmer ta peine ? T’es-tu déjà senti coupable après avoir mangé un aliment en particulier ? Nous, adolescents, avons tous plus ou moins des difficultés à manger de façon équilibrée, à aimer notre corps et à le traiter de la meilleure façon possible. Sache qu’il n’y a aucun mal en soi de manger occasionnellement un peu plus que ce que l’on devrait ou de manger quelque chose qui fait du bien et qui soulage ta douleur. Cependant, cela peut devenir problématique lorsque la nourriture (le fait de manger ou au contraire de ne pas manger) devient le seul moyen de faire face à tes émotions. Certaines personnes finissent par développer ce que l’on appelle un trouble du comportement alimentaire, aussi dit TCA, en réaction à une ou plusieurs situations difficiles. Ces troubles alimentaires sont des troubles de santé mentale à ne pas prendre à la légère. En réalité, le TCA n’est que la face visible de l’iceberg. Ensemble nous allons essayer, au-delà des idées reçues, de mieux comprendre pourquoi nous, les ados, sommes plus touchés par ces maladies.
Les différents types de TCA
Pour mieux parler des troubles du comportement alimentaire, il est bien de te faire quelques rappels en définissant les trois principales formes de TCA.
L’anorexie mentale :
Bien que, pour la majorité des ados, manger constitue un vrai moment de plaisir et de partage, que ce soit avec la famille ou avec avec les potes, pour les personnes qui souffrent d’anorexie mentale, l’acte alimentaire est perçu comme une vraie torture. L’anorexie mentale se manifeste par une réduction drastique et volontaire des apports alimentaires par rapport aux besoins de l'organisme. Cette pathologie est associée à une « distorsion » de l’image corporelle c’est-à-dire que la personne qui en souffre se sent constamment « grosse » alors qu’elle a la peau sur les os. Elle ne touche pas moins de 1,2% des filles et de 0,25% des garçons. Tu vois, l’anorexie est une continuelle obsession, l’obsession de toujours vouloir être le ou la plus maigre possible. Mais attention ! Il existe beaucoup d’idées reçues : la maigreur ne signifie pas forcément anorexie, et, a contrario, on peut être « rond » et être entré dans le cercle de l’anorexie mentale... Le poids n’est donc pas le meilleur moyen d’identifier cette pathologie.
La boulimie :
La boulimie se définit par des crises compulsives d’ingestion d’une très grande quantité de nourriture, suivies de comportements compensatoires comme des vomissements, des jeûnes, des prises de laxatifs ou encore de l’exercice physique intensif. Tous ces actes sont faits en cachette. L’ado qui a cette pathologie essaie de cacher au maximum ses crises. Pour donner quelques chiffres, la boulimie concerne 1,5% des 11-20 ans et touche en majorité les filles (dans 75% des cas ). Le pic de fréquence se situe vers 19-20 ans.
L’hyperphagie :
L’hyperphagie se définit comme pour la boulimie par des crises compulsives d’ingestion d’une très grande quantité de nourriture, mais ces crises ne sont pas suivies par des comportements compensatoires. Un jeune hyperphagique perd le contrôle de la quantité d’aliment qu’il ingère. Comme tu dois t’en douter, lorsqu’une personne hyperphagique mange excessivement, elle se sent honteuse et coupable. Les hyperphagiques sont généralement des personnes en surpoids.
Quelles peuvent-être les conséquences des TCA ?
Tous les TCA s’accompagnent en effet de conséquences physiques importantes, voire graves pour la santé. Tu dois te douter que qui dit restrictions, dit effets sur le corps : l’anorexie mentale a le taux de mortalité le plus élevé parmi les troubles psychiatriques, elle tue 1 victime sur 10. En effet, ses impacts viennent principalement de la dénutrition. On peut alors constater des troubles digestifs, l’arrêt des cycles menstruels, la pilosité accrue, et paradoxalement la perte de cheveux, un dysfonctionnement rénal… Pour la boulimie, les principaux risques sont dus aux vomissements répétés. Il y a un risque d’arrêt cardiaque, de baisse du taux de potassium sanguin, de troubles digestifs et de problèmes dentaires dus à l’acidité des vomissements. Quant aux conséquences de l’hyperphagie, elles sont liées au surpoids, à des maladies cardiovasculaires, et peuvent conduire à du diabète.
Les facteurs
Facteur des « réseaux sociaux » :
Les réseaux sociaux font partie de nos vies, et influent énormément sur notre vision du monde, et sur le regard que l’on porte sur nous-mêmes. Voir constamment sur les réseaux des filles maigres et «populaires» peut entraîner ces pathologies.
Facteur social :
L’anorexie mentale est aggravée par le contexte social et médiatique, où la minceur est survalorisée. Cette pathologie est aussi due à une très mauvaise estime de soi, liée à un problème d’image et de représentation de son propre corps, appelé dysmorphophobie.
Facteurs de risque socioculturels :
Ils proviennent des milieux artistiques, des milieux sportifs (comme la gymnastique) et de celui de la mode, avec le «culte de la minceur». Milieux dans lesquels le corps devient central, sans cesse exposé et mis en valeur.
Pression liée au poids, à l’alimentation et à l’apparence :
Le fait d’avoir une famille ou un cercle d’amis qui accorde beaucoup d’importance à l’apparence peut être un facteur des TCA. Être la cible de moqueries sur son poids, ou être victime de harcèlement à ce sujet est un facteur de risque, notamment pour la boulimie (la nourriture devenant un refuge après l’humiliation). On peut aussi évoquer le fait d’avoir certaines croyances rigides sur le poids que l’on doit peser et sur la santé.
Témoignage d’un médecin généraliste de l’hôpital de Girac
Pour mieux t’informer sur le sujet, j’ai pu interviewer un jeune médecin généraliste de Girac. Il a accepté de répondre à mes questions.
Quel est le rôle du médecin généraliste dans le processus de guérison d’un patient atteint ? "Nous, les médecins généralistes, sommes là en tant que repères, que point pivot. Tout d’abord, nous surveillons l’IMC de nos patients, et on voit généralement quand il y a un problème. Nous aidons nos patients à suivre un traitement, car souvent ils ne se rendent pas forcément compte qu’ils ont ces maladies. Nous sommes là pour offrir le meilleur accueil médical possible. Nous sommes aussi là pour être réalistes, pour les aider à prendre conscience de tout ce que ces maladies impliquent. Nous les aidons à prendre rdv chez un psychiatre et chez un diététicien. Mais il faut bien distinguer les vrais troubles du comportement alimentaire des petits écarts qui se font quelques fois. Les personnes qui en souffrent sont souvent dans le déni total de la situation dans laquelle ils sont. Après, dans les cas graves, on peut forcer l’hospitalisation."
Comment expliquez vous que le pic de fréquence de ces maladies se fasse à l’adolescence ?
« Tout dépend de la situation, du contexte. Pour certaines filles, cela est dû à des problèmes familiaux. On peut aussi associer cela à des traumatismes de l’enfance. Il faut avoir conscience que les TCA ne sont que l’arbre qui cache la forêt. Il se cache souvent quelque chose derrière, comme une dépression. Je dirais que les réseaux sociaux sont un problème majeur. L’adolescence est une époque de la vie où les jeunes filles tiennent beaucoup au regard des autres. Elle se remettent constamment en question. Quand elles voient sur les réseaux sociaux que les filles sont minces et qu’elles, en comparaison, (et dans leur tête), elles sont « grosses », elles essaient de trouver une solution pour ressembler à ces filles. Le problème c’est que ça a l’effet boule de neige, c’est-à-dire que lorsque l’on commence à mettre les pieds là-dedans, il est compliqué de s’en défaire seul, notamment quand on a atteint un stade critique et que l’on ne contrôle plus rien. »
Quelle prise en charge pour les TCA ?
Je sais que c’est vraiment compliqué d’en parler, mais si tu veux vraiment t’en sortir, c’est le seul moyen que tu as d’y parvenir. Dans l’idéal, il est préférable de consulter un psychiatre pour l’accompagnement psycho-logique et émotionnel, un diététicien pour l’aspect nutritionnel et comportemental de l’alimentation, et un médecin pour le suivi somatique et pour les traitements médicaux. Une chose qu’il faut que tu te dises si tu souffres d’un de ces troubles, c’est qu’il ne faut pas abandonner tes efforts, faire des rechutes est tout à fait normal. Dis-toi que lorsque tu seras guérie(e), tu pourras mieux te concentrer sur tes objectifs.
Pour conclure :
Il faut retenir que les TCA sont des maladies addictives, desquelles il est difficile de se libérer. Quand on tombe dans ce genre de pathologie, et même si cela est complexe et demande beaucoup d’efforts, il faut réussir à en parler, car plus vite on parle, plus vite on sera aidé. Il existe plusieurs associations qui sauront t’écouter en cas de besoin :
Association Autrement
Fédération française Anorexie Boulimie
Teljeunes
Et des ressources documentaires :
La Fondation pour la Recherche Médicale
Le goût du risque, Ados en vrille, mères en vrac, Nos ados.com en images de Xavier Pommereau (ouvrages disponibles au CDI)
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