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Anaïs Chanson

Frontières culturelles, frontières des représentations : les aztèques étaient-ils des barbares ?

On dit souvent des Aztèques qu’ils étaient buveurs de sang, cannibales, violents et sauvages. Mais était-ce vrai ? Ne faut-il pas prendre du recul sur cette vision négative que nous avons de cette civilisation précolombienne disparue, et reconsidérer ceux-là mêmes qui ont dressé ces portraits ?

En 1521, Hernan Cortès et ses conquistadors occupent enfin la capitale de l’Empire Aztèque, Mexico-Tenochtitlan. Ces derniers doivent justifier cette conquête auprès de Charles Quint, leur roi. De ce fait, pour justifier la violence utilisée, ils dressent un portrait dénigrant des populations aztèques. On les voit comme des barbares en Europe, et il est du devoir de tout Européen de souhaiter que ces peuples découvrent la civilisation (tant dans la religion que dans la langue et les pratiques). On dit alors des Aztèques qu’ils s'adonnent aux sacrifices, qu’ils aiment la violence et qu’ils n’ont ni l’écriture, ni la roue. Toute pratique violente de la part des Espagnols, à l'encontre de ces "barbares", est alors justifiée.

Pour rappel, le terme de "barbare" est utilisé en premier lieu par les grecs : il signifie « celui qui ne parle pas grec » donc celui qui n’a pas la même culture. Or, depuis qu’on fouille au Mexique, à la recherche de vestiges précolombiens (c'est-à-dire antérieurs à l’arrivée des Européens), on découvre le vrai mode de vie de ces peuples décriés en Europe au XVIe siècle. Et on constate que beaucoup de leurs pratiques sont méconnues. On peut alors se demander : les Aztèques étaient-ils réellement des barbares ?

Tzompantli - codex Duran https://commons.wikimedia.org/

On ne peut pas le nier, les Aztèques pratiquaient des sacrifices en l’honneur de leurs dieux. Et c’est d’ailleurs ce que les Conquistadors constateront lors de leur entrée à Tenochtitlan. Pour les divinités, on sacrifie en masse. Puis on dispose les têtes des sacrifiés sur des structures en bois visibles par tous appelées « Tzompantli ». Mais en analysant les témoignages (récoltés par des religieux espagnols) sur les modes de vie, on comprend que, dans la religion Aztèque, mourir sacrifié reste la meilleure des morts. Les martyrs chrétiens pourraient être vus comme des fanatiques si on les observait avec le même recul ! Par ailleurs, l'absence d’écriture dans cette civilisation, invoquée pour justifier la conquête, est faux. Les Aztèques avaient bel et bien une écriture, composée de glyphes et non d’un alphabet. C’est l’ethnocentrisme des Espagnols qui est donc à blâmer. Pour finir, les Aztèques avaient bien découvert la roue, mais ne l’utilisaient pas (on a retrouvé des jouets avec des roues mais ces dernières n’étaient pas utilisées pour transporter à plus grande échelle). En effet, les habitants de Mexico se déplaçaient en barque et il existait des porteurs de marchandises à travers l’Empire.


Fresque de Diego Rivera, 1945 - Le marché de Tenochtitlan

Bien que certains préjugés correspondent à la réalité, de nombreux éléments ont été ignorés par les Espagnols


En effet, les Aztèques avaient une culture propre, avec une langue (nahualt), un système d’agriculture complexe (permaculture, jardins flottants et barrages), une capitale dont la population dépassait en nombre celles des capitales européennes et dont la propreté a d’ailleurs étonné les envahisseurs, des toilettes publiques, un système juridique… Mais la pratique des sacrifices reste un problème majeur. C’est, en effet, une société très violente que Hernan Cortès découvre. Mais la société espagnole n’était-elle pas aussi violente à l’époque ? En effet, en 1519, la Reconquista vient de se terminer en Espagne et l’Inquisition brûle des citoyens sur les places publiques...

Enfin, si on a si peu accès aux témoignages de la culture précolombienne, c’est à cause des Espagnols et de leurs nombreux autodafés.

On peut illustrer cette brutalité espagnole avec le tableau de David Alfaro Siqueiros. Sur ce dernier, on voit le dernier empereur Aztèque, Cuauhtémoc, être torturé par les Espagnols :

Tormento de Cuauhtémoc.- David Alfaro Siqueiros 1950-1951 - Palacio de Bellas artes, Mexico

On comprend donc que les préjugés sur les Aztèques aient été aussi forts en Europe. Pour justifier la violence de la christianisation forcée et de la conquête, il fallait trouver des arguments. Mais on découvre maintenant des restes précolombiens qui témoignent d’une culture riche (artistiquement et techniquement), qui est à la fois similaire et différente de celle des Espagnols en 1519. On peut alors conclure que les Aztèques, vis-à-vis de notre culture du XXIe siècle, peuvent être vus comme des barbares, mais que les Européens à la même époque brûlaient des scientifiques car ils s’opposaient aux idées de l’Église, quand les Aztèques connaissaient la roue mais n’y trouvaient pas d’utilité...


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