Le rôle du dialogue, de la science, du savoir humain, de toute la connaissance, est de faire naître un monde commun entre plusieurs personnes. En effet, nous partageons nos idées, nos opinions, notre culture. Le langage permet de créer un pont pour que toutes ces perspectives puissent se croiser. Pour répondre aux questions que nous nous posions sur le langage, nous avons rencontré Roland Eluerd, un linguiste et grammairien résidant en Charente.
Comment s'est formé le langage ? A votre avis, pourquoi à un certain moment dans l’histoire, s'est-on mis à exprimer des idées par un langage entendu (utilisant le son), plutôt que par un langage visuel (utilisant par exemple des signes) ?
Tout d’abord, on peut dire qu’il y a eu plusieurs étapes dans la formation du langage. Les êtres humains, dès la Préhistoire, ont dû exprimer leurs besoins, qui peu à peu se sont précisés en émotions et enfin en idées ; le langage entendu s’est imposé, sûrement parce qu’il était plus efficace et qu’il pouvait par exemple permettre de communiquer à de plus grandes distances. Le contexte est également très important, et peut être un des critères de l’évolution du langage, car il influe sur les besoins, et donc si ces besoins sont différents, la façon dont on va essayer d’y répondre va changer.
La Guezette : pourquoi y a-t-il des différences entre les systèmes linguistiques ? Par exemple, pourquoi certaines langues ont-elles des déclinaisons, et d'autres non ?
Roland Eluerd : Comme précisé à la question précédente, en fonction de leur environnement, des circonstances, ces idées ont donc changé, et les langages créés dans ces milieux différents sont par conséquent devenus distincts. Les langues qui se sont développées dans un milieu où la neige est dominante, par exemple, ont donc commencé à utiliser plusieurs mots pour la décrire, car c’était important de différencier les couches de neiges pour les autochtones, notamment, dans certains cas, pour survivre.
La Guezette : pensez-vous que c’est un avantage de connaître plusieurs langues ?
Roland Eluerd : c’est un “oui” clair et net. C’est un avantage car chaque langue ouvre une nouvelle culture et une nouvelle façon de penser. Même les langues régionales et les dialectes les moins utilisés apportent de nouvelles choses.
La Guezette : comment croyez-vous que les langues évolueront dans le futur ?
Roland Eluerd : il est difficile de prévoir comment le langage va évoluer, mais il faut déjà savoir que l’évolution du langage n’est pas une complexification des langues. En effet, c’est une clarification, une précision, et surtout un approfondissement. Par conséquent, plus les besoins sont nombreux, plus les idées se diversifient, et plus le langage s’étoffe, en vocabulaire comme en formation des phrases.
La Guezette : on imagine que les langues pourraient s'unifier et n'être plus qu'une. Qu'en pensez-vous ? Est-ce que ce serait négatif pour la culture, les traditions ? Ou est-ce que le but du langage n'est pas originellement de se faire comprendre ?
Roland Eluerd : ce serait évidemment négatif : tout le monde serait dans le même moule, et la créativité en serait ainsi fortement défavorisée ; c’est même ce que l’on retrouve dans le système du totalitarisme, dans lequel on oblige tout le monde à ressembler à un même modèle uniforme, sans place pour la diversité. La diversité des cultures, influencées considérablement par les langues qui y sont rattachées, constitue les racines de toute la création artistique et scientifique. Une langue unique pourrait entraîner le déclin de la variété de l’esprit humain, et cela mènerait à un monde beaucoup moins développé, qui ne se renouvellerait pas.
Grâce à cette rencontre captivante, nous avons donc découvert de nombreuses perspectives fascinantes sur le rôle et l’évolution du langage. Cette expérience a ouvert notre curiosité sur le domaine de la communication et des langues. Une raison supplémentaire pour souhaiter rencontrer Roland Eluerd à nouveau !
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